Production, Consommation et distribution de l'électricité en France

Production, Consommation et distribution de l'électricité en France

Introduction

Dans les débats politiques ou même dans certains articles de presse sur l’électricité, les énergies renouvelables et le mix énergétique français, il n’est pas rare de relever des confusions entre énergie et puissance, sur les notions de pics de consommation et de stabilité du réseau avec l’intégration des énergies renouvelables.

C’est des questions qui reviennent souvent de la part de nos étudiants en BUT GEII et depuis quelques années, en tant qu’enseignants, nous pouvons illustrer ces problématiques avec l’outil Eco2Mix de RTE. Cet outil permet un suivi en temps réel de la production et distribution de l’électricité, des différentes sources d’énergies et de leur répartition dans le mix énergétique.

L’application Eco2Mix

Eco2Mix est un outil créé par RTE (Réseau de Transport d’Électricité) pour informer chaque citoyen sur la production et la consommation d’électricité en temps réel en France. On peut accéder à cette supervision gratuitement en ligne ou via une application pour smartphone.

Données du 22 janvier 2025, Température : -2°C en Alsace, à 14h45

La consommation d’électricité en France

Données du 22 janvier 2025, Température : -2°C en Alsace, à 15h30

Plusieurs graphiques sont présents, la surface bleu représente la consommation en temps réel et celle-ci est comparée avec la prévision de consommation du jour en violet et la prévision de consommation faite il y a trois jours en gris.

On remarque très facilement sur la courbe les moments de la journée où l’activité se met en place avec une augmentation progressive de la consommation à partir de 6h du matin et l’on constate également un pic le soir, vers 19h quand on allume le chauffage au retour du travail et qu’on utilise les appareils de cuisine (plaques, four) pour préparer le repas. À partir de 1-2h du matin, on constate une diminution de la consommation pour arriver vers un minimum aux alentours de 4h du matin.

RTE réalise ses prévisions de consommation sur des modèles qui sont fonction de la période (travail vs jours fériés) mais surtout en fonction de la température extérieure. Chaque degré en moins sur le thermomètre engendre des MW à produire en plus pour assurer le chauffage des clients.

Si l’on remarque pour cette journée du 22 janvier 2025 un décalage entre le prévisionnel à J-3 et celui de J, c’est essentiellement du aux variations météo qui étaient plus pessimistes sur les températures à 3 jours. Les prévision à J sont toujours très proches du réel consommé. Ces prévisions sont indispensables pour assurer le pilotage de la production et stabiliser le réseau.

La production d’électricité par filière

Données du 22 janvier 2025, Température : -2°C en Alsace, à 16h30

On peut lire la puissance en MegaWatt de chaque filière et le pourcentage qu’elle représente dans la production totale d’électricité.

  • Gaz : les turbines à combustion, les cogénérations, les cycles combinés gaz …
  • Fioul : les turbines à combustion, les cogénérations …
  • Hydraulique : le fil de l’eau et l’éclusé, les lacs et les stations de transfert d’énergie pour pompage/turbinage (STEP turbinage).
  • Bioénergies : biogaz, biomasse et les déchets (ménagers et papetiers).
  • Eolien : éoliennes terrestres et les éoliennes en mer.
  • Solaire : panneaux photovoltaïques (parcs de production et productions diffuses).
  • Le pompage et les STEP turbinage : Les “STEP” (stations de transfert d’énergie par pompage) sont des installations hydroélectriques qui puisent aux heures creuses de l’eau dans un bassin inférieur afin de remplir une retenue en amont (lac d’altitude). L’eau est ensuite turbinée aux heures pleines pour produire de l’électricité.
    • La rubrique STEP turbinage correspond à la puissance produite par l’eau turbinée.
    • La rubrique pompage représente l’ensemble de la puissance consommée par les STEP.

Les échanges commerciaux aux frontières

Données du 22 janvier 2025, Température : -2°C en Alsace, à 18h

La France importe ou exporte de l’énergie électrique avec les pays frontaliers : Angleterre, Espagne, Italie, Suisse, Allemagne et la Belgique. Pour la date du 22 janvier 18h, la France exporte de 12 033 MW et en importe 1 100 MW depuis l’Espagne. Ces échanges sont pilotés par les objectifs de stabilisation du réseau et d’optimisation de production ou d’achat de l’énergie.

Exemples :

  • Si l’on produit trop d’électricité la nuit à cause des centrales nucléaires qui tournent quasiment en continu, il faut vendre aux pays partenaires pour conserver la stabilité réseau et mettre en oeuvre une politique de vente d’électricité pour encourager la consommation la nuit comme le tarif heure pleine / heure creuse qui fait que les particuliers produisent leur eau chaude sanitaire (ECS) la nuit plutôt qu’en journée.
  • Si l’Allemagne produit trop d’Eolien, on peut réduire la production hydraulique et préférer acheter de l’éolien Allemand.
  • On peut également privilégier un import dans certaines zones pour limiter les pertes dues au transport de l’électricité.

Il faut savoir que contrairement au tarif régulé pour le particulier, il n’y a pas de tarif fixe pour les MWh que l’on échange entre pays partenaires. Si il y a pénurie, le tarif augmente fortement et l’on met alors en oeuvre les filières les plus polluantes (charbon) pour assurer la stabilité du réseau.

Maximum des échanges en 2024 et toutes années confondues

  • On remarque que le 19 novembre 2022, la France a importé 15 836 MW de ses voisins à 6h. Ce record est du au fait que de nombreuses centrales nucléaires étaient à l’arrêt dû aux problèmes de corrosion. Mixé avec le début de la guerre en Ukraine et un approvisionnement en gaz compliqué, les MWh étaient vendus à prix d’or. C’était l’époque où chaque jour, le gouvernement rappelait les gestes citoyens d’économie d’énergie et de réglage du chauffage à 19 °C. C’était une période “chaude” (jeux de mot ;) pour le réseau électrique EDF.
  • Depuis la remise en route des centrales nuclaires, la France a repris sa place de pays exportateur d’énergie électrique avec un maximum de puissance de 20 629 MW fourni à 16h30 aux pays voisins.

Les centrales nuclaires produisent jour et nuit. Leur montée en puissance se fait sur plusieurs jours, de même que pour leur baisse de puissance. On ne peut pas piloter la puissance des centrales nuclaires comme sur une centrale gaz ou un barrage. Le nuclaire va ainsi assurer la base de la production électrique et les ajustement seront effectués par l’hydraulique et le gaz pour adapter la production à la consommation et ainsi conserver la stabilité du réseau.

Les Prix du marché de l’électricité

Données du 22 janvier 2025, Température : -2°C en Alsace, à 18h

À 18h, acheter un MWh d’Angleterre coûte 733€, acheter un MWh d’Allemagne coûte 180€ tandis qu’en France, nous le vendons à 159€. L’Angleterre et l’Allemagne ont alors tout intérêt à acheter des MWh Français car plus compétitif sur cette plage horaire.

On remarque également qu’il n’y a pas d’écart de prix entre la France et l’Espagne et le Portugal. Les échanges seront alors très limités avec ces pays.

Les émissions de CO2 par kWh produit en France

Données du 22 janvier 2025, Température : -2°C en Alsace, à 18h

À la date du 22 janvier 2025, on génère 50g de CO2 par kWh électrique produit. C’est une valeur haute pour la production électrique française. Comme il fait froid en ce 22 janvier, les moyens de production basés sur les énergies fossiles sont exploités et générant ainsi une hausse du CO2 par kWh produit.

Ce calcul est effectué en fonction des moyens de productions d’électricité mis en oeuvre. Les énergies fossiles (gaz, charbon et pétrole) sont très fortement carbonnées tandis que le nucléaire et les énergies renouvelables émettent peu ou pas de CO2.

En moyenne, sur l’année 2024, la France a généré 23g de CO2 par kWh électrique produit.

Cet excellent résultat est dû à la production nucléaire.

En comparaison avec d’autres pays (chiffres 2022):

  • Allemagne : 450g par kWh
  • USA : 450g par kWh
  • Pologne : 720g par kWh

Les pays générant moins de CO2 par kWh que la France sont par exemple la Norvège et la Suisse, qui produisent quasiment l’intégralité de leur électricité par barrage hydraulique. Le potentiel géographique des ces pays le permet (montagnes et vallées favorisant les barrages). Pour la France, le potentiel hydraulique est quasiment exploité à son maximum.

Les consommations électriques en France

  • L’année 2024 a vu un pic de consommation à 83 781 MW le 10 janvier à 19h et le minimun de consommation a été le 12 mai avec 29 331 MW.
  • Le pic historique de consommation a eu lieu le 8 février 2012 à 19h avec un maximum de consommation de 103 098 MW. Une petite recherche sur internet permet de constater qu’entre les 4 et 12 février, des températures de -10 °C à -14 °C ont été observées quotidiennement sur plusieurs régions et localement jusqu’à -16 °C voire -18 °C. Il s’agissait de la cinquième vague de froid la plus sévère observée depuis 1947.

Les productions d’électricité par filière

Ce graphique représente les puissances maximales disponibles par filière. Par exemple :

  • le nucléaire avec 61 370 MW disponible représente 41% de la puissance totale disponible.
  • L’éolien, avec 23 273 MW disponible, représente 16% de la puissance totale disponible.

Une erreur serait de penser que la France pourrait produire au maximum 148 189 MW en faisant la somme des différentes puissances affichées et qu’elle soit donc en mesure d’effacer très facilement les pics de consommation comme celui de février 2012. En fait, toutes ces ressources ne sont pas disponibles à l’instant t ! Exemple :

  • Le solaire, la production varie au fil de la journée avec un maximum au midi solaire. En hiver, la production est quasiment inexistante. C’est 13% du global que l’on ne peut pas exploiter pour effacer un pic hivernal.
  • Pour l’éolien, les épisodes venteux sont plus fréquent en hiver et peuvent produire aussi bien le jour que la nuit comparé au photovoltaïque. Par contre, le vent ne se commande pas pour effacer un pic de puissance. C’est encore 16% de la puissance globale installée qui peut manquer pour effacer les pics hivernaux.
  • Les centrales nuclaires peuvent être en maintenance. On essaye de l’éviter en période hivernale mais parfois on ne peut pas faire autrement comme ce fut le cas en 2022-2023 avec les problématiques de corrosion sous contrainte.

Pour effacer les pics de consommation, on va mobiliser en hiver le nucleaire, l’hydraulique mais également le gaz et parfois même le charbon. On n’a pas le choix car la stabilité du réseau est jeu si l’on ne souhaite pas délester une partie des clients de son approvisionnement électrique. Avec la mise en route des productions à base d’énergie fossile, les grammes de CO2 par kWh augmentent fortement, de même pour le prix du MWh.

La production éolienne en France

La production éolienne est souvent critiquée dans les médias. En effet, les éoliennes ne produisent pas tout le temps et des raccourcis sont vites pris en extrapolant le fait que l’éolien ne sert à rien. Analysons les données fournies par RTE.

  • Pour l’année 2024, l’éolien a couvert 10.7% de la production d’électricité avec un maximum de 40.5% le 24 novembre à 16h15.
  • Le maximum de production historique est de 19 304 MW, toujours le 24 novembre 2024.
  • Le taux de couverture maximum de la production électrique a été de 43.4% le 21 octobre 2023.

Les critiques que l’on peut faire sur l’éolien sont qu’effectivement, avec 23 273 MW installé, on n’en récupère en moyenne sur l’année que 10,7% soit environ 2 300 MW. Par contre, lors des épisodes venteux, cet éolien peut couvrir 40% de la production électrique ! Ceci sans générer de CO2, ni de déchets nucléaires…

L’éolien a toute sa place dans le mix énergétique français malgré ses limites en terme de couverture.

La production photovoltaïque

Le photovoltaïque (PV) est également une énergie renouvelable intermittente. Le maximum de production se fait lors des belles saisons aux alentours du midi solaire. En 2024, le PV a assuré 5.7% de couverture moyenne avec un maximum de 37,2% le 15 septembre à 15h15.

Le photovoltaïque produit essentiellement en été, quand la consommation nationale est plus faible: on ne chauffe plus, les usines sont fermées pour cause de congés etc. Cela conserve malgré tout plusieurs intérêts :

  • on peut arrêter certaines centrales nucléaires pour assurer la maintenance estivale.
  • on peut limiter la production hydraulique ! Avec des étés caniculaires et des périodes de sécheresses, c’est important de pouvoir mieux gérer l’eau en fonction des stress hydriques des régions touchées par la sècheresse.
  • C’est une production éléctrique sans trop de nuisance (pollution, impact sur l’eau) avec une valorisation possible des espaces de type parking avec des ombrières, des toitures ou d’anciennes friches industrielles polluées.

Conclusion

L’application Eco2Mix est un excellent outil pour illustrer la production électrique française et toutes les problématiques liées au mix énergétique, intégrant les énergies renouvelables intermittentes couplées aux moyens de productions plus classiques comme le nucléaire, l’hydraulique et le gaz.

Les étudiants de BUT GEII découvrent ainsi que le prix du MWh peut être très volatile en fonction des demandes, qu’il existe des pics de consommation vers 19h, que la France est un excellent élève en terme de CO2 généré par kWh électrique produit etc.

Les élèves pourront ainsi se baser sur des chiffres pour se faire leur propre opinion sur les stratégies d’évolution du mix énergétique Français et d’agir en citoyens “éclairés” sur ces problématiques sans se laisser noyer par certaines fake news diffusées sur les médias sociaux.